« Une logique de rénovation performante par étape doit prévaloir »


Pouget Consultants a mené en 2021 une vaste étude avec GRDF pour tester l’atteinte des niveaux du nouveau Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) dans les bâtiments collectifs chauffés au gaz, y compris dans le parc social. En voici les grands enseignements, analysés par Charles Arquin, associé et responsable du Pôle Rénovation au sein de ce bureau d’études thermiques et fluides.

Quels sont les principaux impacts du nouveau DPE pour les organismes HLM ?

Les évolutions du DPE sont assez conséquentes et interviennent à différentes échelles : opposabilité, changement d’échelle de mesure pour la performance, de l’immeuble au logement, double seuil carbone… Ce dernier pose par exemple un vrai défi pour les organismes HLM. Il pourrait entraîner des ajustements conséquents dans le choix des interventions à prioriser et peut remettre à plat les stratégies de rénovation qu’ils ont menées depuis de nombreuses années.

Le nouveau DPE, en essayant de répondre au besoin consensuel d’améliorer la qualification de la performance, amène par sa nouvelle grille de lecture une phase d’appropriation pendant laquelle les organismes Hlm ont le sentiment de « naviguer à vue ».

Un sentiment renforcé par les dispositions introduites par la loi Climat et Résilience qui viennent qualifier les « passoires énergétiques » et les « rénovations performantes » en fonction du niveau de l’étiquette du nouveau DPE, et donc l’inscrire comme le principal outil de pilotage de la politique publique en matière de rénovation énergétique.

Estimez-vous que ces évaluations vont largement modifier les étiquettes du parc social ?

L’évolution de la méthode de calcul et l’introduction d’un double seuil « énergie / carbone » vont impacter l’image énergétique du parc des bailleurs, même si en considérant uniquement ce critère, la répartition par étiquettes des patrimoines ne devrait pas énormément évoluer. Les logements sociaux dit « passoires énergétiques » (étiquettes F et G) restent minoritaires. Pour autant, un certain nombre de transferts va avoir lieu et les premières tendances laissent à penser que davantage de bâtiments chauffés au gaz seront concernés par des étiquettes D et E.

Au-delà de l’approche purement énergétique, il faudra être également vigilant dans certains départements qui vont voir les consommations évaluées augmentées, du fait du passage de climats départementaux aux zones climatiques. Enfin, des effets de bords liés à la méthode de saisie du diagnostiqueur et de sa capacité à pouvoir accéder aux informations vérifiables relatives au bâtiment vont avoir un impact sur certains diagnostics (isolation de la toiture, présence d’isolant…).

Faut-il s’attendre à des modifications des plans stratégiques de patrimoine ?

A mon sens, le défi pour les bailleurs ne porte pas tant sur les passoires énergétiques, parce qu’ils en comptent relativement peu dans leur parc par rapport au privé. La question concerne davantage les bâtiments classés en E, pas considérés aujourd’hui comme des passoires énergétiques, mais qui selon la loi Climat et Résilience doivent être éradiqués d’ici 2034. Là se trouvent de nombreux logements chauffés au gaz qui vont donc nécessiter des travaux de rénovation..

Cependant, la sortie de l’étiquette E pour certains logements chauffés notamment à l’effet joule pourra s’avérer compliquée si aucune isolation des murs par l’extérieur n’est possible. Dans ce cas, l’isolation par l’intérieur est potentiellement la seule option et doit être planifiée bien en amont.

Les travaux doivent s’inscrire dans une logique de comptabilité à 2050 

Ceci signifie-t-il qu’il faudra changer d’énergie dans ces logements ?

Toute rénovation engagée aujourd’hui sur l’enveloppe sera encore effective en 2050. Les travaux doivent donc s’inscrire dans une logique de compatibilité à 2050. La prise en compte de la dimension carbone dans les rénovations passe donc prioritairement par la réduction des consommations d’énergie. Cette réduction des consommations doit s’accompagner d’une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre de chacune des énergies.

Le recours aux énergies décarbonées sera encouragé, voire imposé par les pouvoirs publics, dans les années à venir. Elles doivent favoriser le recours à des solutions techniques évolutives facilitant l’intégration ultérieure d’énergies renouvelables de chaleur et de rafraîchissement dans le mix énergétique des logements (solutions collectives, émetteurs basse température et réversibles, etc.).

Mais le verdissement des énergies dépasse le champ d’intervention des bailleurs et pose nécessairement de nombreuses questions à l’échelle territoriale : quelle offre énergétique est disponible sur un territoire donné et comment les collectivités territoriales prévoient-elles son évolution ? comment anticiper cette trajectoire dans le choix de solutions techniques et des solutions énergétiques ? comment garantir à terme un approvisionnement en énergie décarbonée et « bon marché » pour préserver les locataires Hlm de la précarité énergétique ?

Comment le gaz peut-il donc trouver sa place dans les rénovations performantes ?

La loi Climat et Résilience dit qu’une rénovation performante égale l’étiquette B, sauf cas dérogatoires, qui sont d’ailleurs en cours d’écriture. L’atteinte de l’étiquette B du DPE pour les logements chauffés au gaz naturel nécessite :

  • des rénovations globales et performantes sur l’enveloppe,
  • un recours à des énergies renouvelables comme des solutions d’eau chaude sanitaire solaire ou encore la mise en œuvre de PAC Hybride collective.

Ces solutions seront difficiles à envisager techniquement et financièrement sur bon nombre de bâtiments. Aussi, une logique de rénovation performante et par étapes peut trouver sens. Ces travaux coordonnés permettraient de sortir les logements gaz des étiquettes E, F ou G via des actions prioritaires sur l’enveloppe pour engager dans quelques années des solutions alternatives ou du gaz associé aux ENR, avec des solutions techniques qui se seront certainement développées entre temps. Reste une certitude : la rénovation énergétique du parc existant doit être accélérée.

Cette politique de rénovation ne risque-t-elle pas de limiter la construction de logements sociaux neufs ?

Afin de répondre aux enjeux de la neutralité carbone, il s’agit de travailler sur le neuf et l’existant. On ne peut pas faire abstraction des efforts sur l’un des deux pans. L’offre de logements sociaux doit poursuivre sa diversification. Construire des logements neufs, c’est aussi répondre à des besoins d’usages, de mobilité, de peuplement, etc. L’offre doit néanmoins s’inscrire dans la trajectoire - le poids des logements neufs ne sera en effet pas négligeable, de l’ordre de 25% pour la plupart des bailleurs. Cela passe notamment par :

  • un niveau d’isolation suffisant pour atteindre la performance visée sans opération de rénovation d’ici 2050,
  • une solution technique évolutive pour intégrer facilement in fine des énergies renouvelables et du rafraîchissement (si nécessaire) sans travaux dans les logements (solution collective, émetteurs basse température et réversibles…).

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