Nouveau DPE : les défis de la rénovation énergétique


Après 15 ans d’existence sans changement majeur, le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) a été largement repensé par les pouvoirs publics à compter du 1er juillet 2021. Et les implications de cette réforme sont nombreuses pour les bailleurs sociaux. Explications avec Benoit Chaintreuil, expert rénovation énergétique au sein de la délégation marketing stratégique de GRDF.

Le DPE devient une référence juridique


En 15 ans d’existence, le DPE a peu évolué. Si les modifications qui lui ont été apportées en 2012 ont contribué à améliorer la transparence du dispositif vis-à-vis du grand public, elles n’ont pas eu les effets escomptés sur la qualité des diagnostics, que de nombreux acteurs – en particulier des associations de consommateurs ou des ONG – continuaient à juger insuffisante après cette première réforme. Les évolutions mises en œuvre au 1er juillet 2021, plus profondes, nourrissent l’ambition des pouvoirs publics de fiabiliser le DPE pour en faire un outil de référence de la politique de rénovation des logements.

Le cœur de la réforme est de conférer au DPE, qui était jusque-là obligatoire mais seulement informatif, une valeur juridique. En cas de diagnostic erroné ou de méthode mal mise en œuvre, l’acquéreur d’un logement qui se considérerait lésé pourra se retourner contre le vendeur, qui pourra lui-même poursuivre le professionnel à l’origine du diagnostic.

Ce caractère opposable du nouveau DPE permet de faire référence au dispositif dans la réglementation portant sur la performance énergétique et environnementale du bâtiment. « A ce titre, il devient un outil d’incitation, voire d’obligation pour la rénovation énergétique des logements », explique Benoit Chaintreuil, expert rénovation énergétique au sein de la délégation marketing stratégique de GRDF.

Les principales mesures de la réforme du DPE

Evolution du calcul, des usages, des indicateurs et références des classes

  1. Les performances des biens immobiliers sont toujours mesurées sur la base de leurs caractéristiques intrinsèques, ce qui les place sur un pied d’égalité. Il est donc mis un terme à la méthode dite « sur factures » pour les logements construits avant 1948, ou les bâtiments équipés d’un dispositif de chauffage collectif.
  2. Le périmètre des usages pris en compte par le DPE prend en compte deux usages supplémentaires de l’énergie, à savoir l’éclairage et la ventilation (qui s’ajoutent donc au chauffage, à l’eau chaude et à la climatisation). Cette évolution assure une cohérence avec les réglementations thermiques en vigueur.
  3. De nouveaux indicateurs sont ajoutés, comme les performances d’isolation des logements et le niveau de confort d’été. « Ces ajouts aident les ménages à identifier des sources d’économie d’énergie ou d’amélioration de leur niveau de confort », souligne Benoît Chaintreuil. « En réalité, la plupart de ces facteurs étaient déjà pris en compte dans les calculs mais n’apparaissaient pas clairement dans le diagnostic final : le nouveau DPE se fait donc à la fois plus complet et plus visuel, donc plus communiquant ».
  4. L’échelle de référence des classes énergétiques est significativement modifiée. Si l’indicateur du niveau de consommation en énergie primaire est bien conservé, il se voit complété désormais par la mesure des émissions de CO2 du logement. « Sur ce sujet, nous pouvons être surpris par le choix des pouvoirs publics de fixer simultanément un seuil d’émissions maximales de CO2 très contraignant pour la classe B, qui semble faire office de nouvelle cible de performance pour le parc de logements existants, et un seuil exprimé en consommation d’énergie primaire (110 kWh/m²) qui apparaît assez lâche par rapport à celui qui était fixé précédemment (90 kWh/m² hors  éclairage et auxiliaires), et a fortiori en comparaison de la norme « Bâtiment Basse Consommation » (90 kWh/m² en moyenne au même périmètre que le DPE), en fonction de laquelle, conformément à l’objectif défini dans le code de l’énergie, le parc immobilier doit être rénové d’ici à 2050 », s’étonne l’expert de GRDF.

Comment ce nouveau DPE va être utilisé par les professionnels ?

Plusieurs mesures comprises dans la loi Climat et Résilience, promulguée le 24 août dernier font référence au nouveau DPE.

Commençons par deux mesures coercitives. 

  • A partir du 1er janvier 2022 : les logements classés en F ou G ne pourront plus voir leur loyer augmenter.
  • A compter de 2025, les logements en G seront interdits à la location. Ce sera le cas en 2028 pour les logements en F, puis en 2034 pour les logements en E.

Continuons avec le volet incitatif a lui pour but d’encourager la mise en œuvre de travaux de rénovation ambitieux :

  • Pour les logements actuellement les moins performants, classés en F ou G, l’atteinte de la classe C est considérée comme suffisante pour qu’une rénovation soit qualifiée de « performante », qualificatif qui devrait correspondre à l’octroi d’aides financières spécifiques.
  • Cegibat, le centre d’expertise de GRDF, mène plusieurs études pour modéliser les résultats des différentes possibilités de rénovation. Les premiers résultats font apparaître que la seule rénovation des systèmes permet en général de gagner une classe sur le futur DPE. Mais lorsque le bâti et les systèmes sont rénovés, les fameuses « passoires énergétiques » peuvent atteindre un niveau C, y compris avec des solutions de chauffage et/ou production d’eau chaude sanitaire au gaz.

Pour les logements classés en E, une rénovation est qualifiée de « performante » si elle permet l’atteinte de la classe B. Toutefois, la loi indique que des « contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou des coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien » peuvent justifier une dérogation par rapport à cette définition. La vérification de ces critères dérogatoires, qui seront précisés par décret, permettra de considérer comme « performants » des travaux réalisés sur les six domaines possibles de la rénovation (isolation des quatre parois, des systèmes de production de chaleur, et de la ventilation) qui améliorent de deux classes la position du logement sur l’échelle des DPE, le faisant passer en C. Dans ce cadre, le gaz figurera vraisemblablement parmi les solutions qualifiées pour les logements collectifs.

 « Nous espérons une démarche pragmatique de la part des pouvoirs publics »

En maison individuelle, la pompe à chaleur hybride, couplage d’une pompe à chaleur et d’une chaudière à très haute performance au gaz, apparaît comme une des meilleures solutions du marché, sur le plan énergétique, environnemental et économique, pour permettre, en association avec des travaux sur le bâti, l’atteinte de la classe B du DPE.

En ce qui concerne les évolutions à venir du dispositif d’aide à la rénovation énergétique, les attentes sont claires du côté de GRDF, comme le souligne Benoît Chaintreuil : « Nous espérons une démarche pragmatique de la part des pouvoirs publics. Il est nécessaire d’encourager les rénovations qui concernent l’ensemble des postes de travaux, et les rénovations performantes réalisées en plusieurs étapes. Cela est pertinent si la rénovation au globale permet d’atteindre, un niveau de performance énergétique et environnemental proche en une seule étape. Cela tient compte notamment de la décarbonation progressive des vecteurs énergétiques, comme le gaz de réseau. »

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