Comment SFS décarbone sa production de vis grâce au biométhane

Fabriquer des vis en France en rejetant le minimum de carbone possible, c’est le pari que fait SFS. Le groupe industriel suisse s’est en effet engagé à réduire de 90 % d’ici à 2030 ses émissions de CO2. Soit en moins de 12 ans ! Le biométhane en substitution du gaz naturel y contribue amplement. Alain Mangeard, directeur général de SFS France nous explique sa démarche.

C’est aux dirigeants actuels de se saisir du problème, de mettre en application cette décision et de trouver des solutions pour réduire dès à présent les émissions de CO2 de notre industrie.

Fixer un objectif de 90 % de réduction de CO2 d’ici à 2030 est particulièrement ambitieux. Pourquoi le groupe SFS prend-il une orientation aussi volontaire ?

Alain Mangeard : SFS est l'un des principaux fournisseurs mondiaux de composants et d'assemblages de précision critique et de systèmes de fixation mécanique. Nous sommes une industrie métallurgique, ce qui suppose des consommations importantes d’énergie pour les différents procédés de fabrication, de traitement thermique et de traitement de surface. Sur nos deux sites de production de Valence, dans la Drôme, nous consommions en 2019, date à laquelle le Groupe a pris cette décision drastique, 10 GWh d’électricité et 10 GWh de gaz par an.  En fixant un objectif à 2030, soit moins de 12 ans, le message de notre CEO est clair : c’est aux dirigeants actuels de se saisir du problème, de mettre en application cette décision et de trouver des solutions pour réduire dès à présent les émissions de CO2 de notre industrie. Le Groupe est signataire des Accords de Paris. Nous passons à l’action !

Quelles ont été les premières actions pour réduire les consommations d’énergie et, ce faisant, les émissions de CO2 ?

A.M. : Nous avons, dès 2019, investi dans un système de récupération de chaleur sur le procédé de traitement thermique. Pour obtenir des vis dures à l’extérieur mais résilientes à l’intérieur, il faut monter le métal à 900 °C puis le tremper dans un bain d’huile à 60 °C pour le refroidir. Nous récupérons les calories autour de ces bassins d’huile pour les réutiliser dans le chauffage des bureaux et ateliers. Nos chaudières gaz fonctionnent donc moins et, dans le même temps, la consommation d’électricité utile au refroidissement est réduite. C’est un coup double. Nous avons par cette opération de récupération de chaleur latente réduit notre consommation de gaz à 8,2 GWh, soit de 18 %. L’investissement était conséquent (de l'ordre de 1 M€), mais la décision a été prise en moins d’une semaine tant elle contribuait à l’objectif stratégique. Et au prix actuel de l’énergie, il a été amorti en trois ans, alors que le plan d’amortissement initial était de sept ans. C’est une première étape dont nous étions très satisfaits.

 

 

Comment a émergé l’idée de remplacer le gaz naturel par du biométhane ?

C’est une rencontre avec le dirigeant de Prodeval, Sébastien Paolozzi – société qui soutient le développement de la filière biométhane depuis plus de 20 ans - qui nous a mis sur la piste. L’argument d’une réduction de 85 % des émissions de CO2 par rapport au gaz naturel a immédiatement fait mouche. Je me suis alors documenté pour comprendre les différentes typologies de producteurs. La valorisation des boues d’épuration est la solution qui me semblait la plus vertueuse puisqu’elle exploite les déchets ultimes des êtres humains. J’ai souhaité travailler avec un producteur identifié et je me suis tourné vers Sila, l’usine de retraitement des eaux usées exploitée par le syndicat intercommunal du lac d’Annecy. Intérêt supplémentaire, à aucun moment, cela ne modifie les process de production de nos usines.

Quelle est la part du biométhane dans vos consommations de gaz ?

En novembre 2021, nous avons signé un contrat de fourniture portant sur 100 % de biométhane, en garanties d’origine, par l’intermédiaire de notre fournisseur historique de gaz. Le système des garanties d’origine implique que le producteur injecte autant de gaz dans le réseau « pour notre compte » que ce que nous consommons.

Comment vous fournissez-vous en biométhane ?

Nous avons, dans un premier temps, signé un contrat d’un an, et nous souhaitons continuer à nous approvisionner auprès d’une unité de production de proximité. L’appétence pour ce gaz vert étant croissante, nous sommes à la recherche d’une offre ayant un niveau de prix cohérent avec notre précédent contrat. Je continue à investiguer dans la région où de nombreuses unités de méthanisation sont en exploitation. J’ai récemment visité une unité agricole, près de Valence, ce qui permettrait de soutenir une production encore plus locale. Dans tous les cas, je souhaite m’impliquer dans le choix de la provenance des garanties d’origine.

Avez-vous d’autres projets liés à l’énergie ?

Parmi nos autres projets d’économie d’énergie et de réduction des émissions de CO2, nous avons l’objectif d’installer une turbine de 550 kW, qui nous permettrait d’utiliser du biométhane pour générer de l’électricité et permettrait de s’effacer en période de pointe électrique. Les discussions sont en cours au plus haut niveau du Groupe et le lancement de l’étude de faisabilité vient d’être lancée, en coopération avec Prodeval.

Quels sont les impacts de vos premiers investissements ?

Les résultats sont concluants. Nous avons déjà réduit de 83 % les émissions de CO2 liées à nos consommations d’énergie par rapport à 2019. Le fait que le prix des énergies soit élevé permet d’envisager les investissements que nous n’aurions peut-être pas consenti il y a cinq ans. Une énergie chère nous poussera à agir pour la préservation de la planète, car cela aide à prendre des décisions d’investissement qui nous amèneront une vie plus sobre et, je l’espère, toujours aussi confortable dans l’avenir. Nos clients sont des industriels de la menuiserie extérieure très attachés à une production made in France respectueuse de l'environnement qui se fournissent presque exclusivement auprès de fabricants de composants nationaux. Ils sont très sensibles à ces efforts. Même si les vis ne représentent que 2 à 3 % du prix d’une fenêtre et que les émissions de CO2 des vis pèsent finalement peu dans le poids carbone du produit final, j’aime à penser que comme le colibri de Pierre Rabhi, nous apportons notre pierre à l’édifice. Pour réduire les émissions carbone, améliorer l’isolation des bâtiments et contribuer au confort des usagers.