Le GNV, carburant d’avenir du transport fluvial et maritime ?

Pourquoi le GNV, et plus particulièrement le gaz naturel comprimé (BioGNC/GNC), peut-il devenir un carburant compétitif pour les barges fluviales et les bateaux côtiers ? C’est la question que nous avons posée à Maria Aranzazu Boden, responsable nouveaux modèles à la direction de la stratégie de GRDF

Quelles caractéristiques propres au GNC laissent penser que ce carburant pourrait être l’allié de la décarbonation du transport maritime et fluvial ?

Il y a une grande similitude entre les moteurs des poids lourds routiers et ceux qui sont embarqués sur les barges fluviales et les petits bateaux côtiers. Ce sont ni plus ni moins les mêmes, sachant que les moteurs routiers fonctionnant au GNV répondent à des exigences environnementales bien plus élevées que celles actuellement en vigueur pour les bateaux. La réglementation se durcissant également dans ce secteur, les performances du GNC intéressent les acteurs du fluvial et du maritime qui voient un moyen de décarboner efficacement et rapidement ce mode de transport, par ailleurs très compétitif sur le plan des émissions carbone.

À puissance moteur égale, une barge charge en effet quatre fois plus de marchandises qu’un camion, ce qui signifie qu’elle émet quatre fois moins de CO2 à la tonne transportée. C’est donc la possibilité d’un transfert technologique qui rend le sujet pertinent. Les pouvoirs publics et la filière sont en train d’écrire la feuille de route du fluvial (Engagements pour la croissance verte du secteur fluvial), avec la volonté d’en faire le transport écologique de référence. Notre enjeu est de positionner le GNC comme un des carburants d’avenir pour la décarbonation du secteur, en France et en Europe.

Comment GRDF pousse-t-il l’innovation dans ce domaine ?

GRDF travaille à lever tous les obstacles qui permettront un déploiement à grande échelle, à la fois au plan réglementaire – adaptations nécessaires pour installer un système gaz à bord – et technologiques – en cherchant de façon très pragmatique à trouver les architectures (par exemple hybridation) et les cas d’usage les plus appropriés (automoteurs, bacs..).

C’est tout l’objet des appels à projets que nous lançons. Pour accompagner la filière dans cette transition, nous faisons le choix d’identifier les cas d’usage dans lesquels le gaz et tout particulièrement le BioGNC, gaz renouvelable, a sa place, et d’épauler des porteurs de projets.

 

Concrètement, quelles expérimentations ou projets soutenez-vous ?

Le projet GreenDeliriver, sur l’axe Seine, est le plus avancé. Début 2023, le consortium(1) qui porte ce projet a obtenu de la part de la commission centrale pour la navigation du Rhin(2) l’autorisation de mettre à l’eau son premier bateau. Cette autorisation décisive permet à la barge GreenDeliriver d’utiliser le BioGNC comme carburant.

Le deuxième projet concerne les bacs de Seine, en aval de Rouen. Dans le cadre de son plan de modernisation et de verdissement de sa flotte, le Conseil départemental de Seine-Maritime a validé la solution BioGNC pour le renouvellement de ses bacs fluviaux. Un choix qui a d’autant plus de sens que le département est producteur de biométhane. On ne peut en effet penser carburant alternatif sans penser à l’avitaillement. Les bacs représentent un cas d’usage très intéressant pour le GNV car ils ont un port d’attache où ils rentrent chaque nuit. L’avitaillement peut donc se gérer facilement. La première expérimentation menée dans le cadre de ce projet consistera à rétrofiter un bac au GNV.

Le maritime côtier peut également envisager la conversion de sa propulsion au BioGNC. Pour preuve, le projet porté par ACANOR pour de « Chalutiers pêche artisanale » de Boulogne-sur-Mer est l’un des lauréats de l’appel à projets de 2022.

À la recherche de nouveaux cas d’usage pertinents et au TCO raisonnable, nous venons de lancer un nouvel appel à projets, en partenariat avec l’Ademe, VNF et le Gican (Groupement des industries de construction et activités navales).

Qu’est-ce qui pourrait convaincre les acteurs du fluvial ou du maritime côtier d’adopter le GNV ?

Au-delà des aspects environnementaux propres au BioGNC qui ont énormément de valeur dans une trajectoire de décarbonation, la dimension économique est particulièrement saillante. Il faut savoir que le transport fluvial est opéré par des petites entreprises artisanales, aux moyens financiers limités. Les moteurs gaz sont une solution robuste qui répond déjà aux futures contraintes environnementales de la batellerie ou du maritime, à un coût mesuré. Les architectures en hybridation (électrique/gaz) portent de belles promesses pour ces secteurs.

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(1)12 partenaires constituent ce consortium, dont Coalis, VNF, Haropaport, Segula Technologies, Total Energies, GRDF, Région Île-de-France, Ademe, Syctom, Chantiers Haute Seine, CCI versailles Yvelines, NGV Powertrain…
(2)La CCNR est l’autorité internationale en charge de la réglementation de navigation sur le Rhin et en Europe

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  • Crédit photo : Pascal Bernardon