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23.04.2020 - 17H35

L’expérimentation Énergie Carbone, déjà une réalité

Afin de pouvoir anticiper les évolutions réglementaires et européennes à venir, en novembre 2016, les pouvoirs publics ont souhaité expérimenter la construction de bâtiments plus efficaces en énergie et moins émetteurs en carbone.

Cette expérimentation repose sur la généralisation des bâtiments à énergie positive à horizon 2020 prévue dans la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, et sur une exigence sur les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments neufs inscrite dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte.

Dans le cadre de cette expérimentation, les pouvoirs publics ont créé un référentiel Energie Carbone (E+C-), et un observatoire permettant de collecter l’ensemble des données de l’expérimentation afin de fixer les seuils de la future réglementation.

 

 

Dans ce contexte, pour accroître son niveau de connaissance sur le sujet, GRDF a mandaté deux bureaux d’études thermiques référents sur le marché de la maison individuelle avec pour objectifs de :

  • se familiariser avec les deux nouvelles exigences introduites dans le référentiel, à savoir le Bilan BEPOS et le seuil Carbone,
  • positionner les solutions énergétiques au regard de ces exigences,
  • identifier, via des sensibilités, les premiers leviers d’actions pour réduire l’empreinte carbone d’une maison neuve.

De la maison de plain-pied à la maison à étage, tout a été analysé : l’étude s’est portée sur cinq maisons aux caractéristiques différentes (surface, compacité, nombre de niveaux) dans les trois zones climatiques de référence H1a, H2b et H3 avec les solutions énergétiques les plus répandues chez les constructeurs.

 

 

LES ENSEIGNEMENTS TIRES DES ETUDES SUR L’ENERGIE

ENSEIGNEMENT 1 : Le gaz naturel, une énergie qui répond parfaitement aux enjeux réglementaires à venir

Pour les premiers niveaux d’énergie E1 et E2, le positionnement des solutions énergétiques reste relativement inchangé par rapport à celui constaté en RT2012 à l’exception de la solution effet joule + CET qui voit son bâti de nouveau renforcé pour atteindre le seuil E1 puis E2. S’agissant des solutions au gaz naturel, le couplage d’une chaudière à condensation à une énergie renouvelable (solaire thermique, solaire photovoltaïque, système thermodynamique) permet d’atteindre le niveau E1 voire E2 sans surcoût ni rupture majeure.

 

ENSEIGNEMENT 2 : Le photovoltaïque, le meilleur allié de l’énergie 3

L’atteinte du niveau E3 (réduction de 60 % du Cep par rapport à RT2012) nécessite systématiquement l’ajout de panneaux solaires photovoltaïques, dont le nombre varie notamment en fonction de la surface habitable, de la zone climatique et du niveau de Bbio1  du projet.

En effet, deux scenarii sont possibles pour atteindre le seuil, à savoir :

  • l’ajout de panneaux à bâti constant, souvent considéré comme l’optimum technico-économique,
  • l’ajout de panneaux (en quantité inférieure) associé à un renforcement du bâti.

 

ENSEIGNEMENT 3: Un surcoût important et des installations peu optimales pour atteindre le seuil E4 (= bâtiment à énergie positive)

L’ambition du niveau E4 est de taille. En effet, il faut compenser l’intégralité des consommations du bâtiment par une production locale d’électricité, le tout dans un bâti renforcé pour diminuer la consommation d’énergie primaire du projet. Pour ce faire, le recours massif au solaire photovoltaïque est la piste privilégiée nécessitant une surface disponible en toiture très importante.

À titre d’exemple, sur une maison de plain-pied de 92 m² SHAB située en zone H2b et équipée d’une chaudière à condensation, 78m² de panneaux doivent être installés en toiture pour atteindre le niveau E4.
Cette installation sera généralement peu optimale et engendrera un surcoût conséquent. Par exemple, sur une toiture classique à deux pans, l’orientation sud est privilégiée pour maximiser la production, pour autant certains panneaux devront être installés sur le pan nord, leur performance se voyant ainsi dégradée.

 

LES ENSEIGNEMENTS TIRES DES ETUDES SUR LE CARBONE2

Le carbone, c’est la nouveauté ! Si le calcul du bilan BEPOS est dans la continuité de la RT2012, l’introduction d’une exigence carbone au périmètre du cycle de vie du bâtiment est la véritable nouveauté pour la filière. Calculée à l’aide des données environnementales des matériaux et matériels présents dans la maison et des quantitatifs du projet, la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre marque une véritable évolution réglementaire. Ainsi, en plus de limiter les consommations d’énergie d’un bâtiment, les pouvoirs publics souhaitent à terme diminuer son impact environnemental en se focalisant dans un premier temps sur les gaz à effet de serre.

ENSEIGNEMENT 4 : C1 : OK / C2 : KO

Globalement, l’ensemble des solutions énergétiques dans les bâtis RT2012 permet de respecter le seuil C1 à la différence du C2 qu’aucune solution n’atteint en maison individuelle.

Néanmoins, pour certaines maisons dont la conception bioclimatique n’a pas été optimisée (orientation pénalisante, faible compacité, mauvaise valorisation des apports solaires passifs), le seuil C1 peut ne pas être atteint en raison de consommations d’énergie trop importantes venant alourdir le poids carbone du projet. A noter que le calcul du poids carbone d’un projet est la somme de quatre contributeurs (cf. schéma ci-après) dont le contributeur énergie. Les 2 contributeurs dont les impacts sont les plus importants sont les consommations d’énergie et les produits de construction.
Par conséquent, un projet pourra ne pas atteindre le seuil C1 en raison du contributeur énergie trop élevé. Dans ce cas, un renforcement du bâti pour passer en dessous du seuil sera nécessaire.

 

 

Par ailleurs, le respect du seuil C1 porte sur un objectif global d’émissions de gaz à effet de serre maximal sur les 4 contributeurs, mais également sur le respect d’un sous-seuil qui ne porte que sur l’impact environnemental des matériaux et matériels de construction (sous seuil Produits de Construction et Equipement- PCE-). Certains projets ne respectent pas l’exigence sur le sous-seuil C1 des PCE bien qu’ils respectent le seuil C1 global. En effet, certaines pratiques constructives régionales ont pour conséquence d’ajouter de la matière donc du carbone dans le projet. Par exemple, dans le Grand Est, les terrains réclament des vides sanitaires compris entre 0,6 et 2 mètres ou des maisons à demi-niveau, avec un impact fort sur les PCE ; ou en zone sismique, le respect de la réglementation nécessite un renforcement des fondations qui là aussi impacte le sous-seuil PCE.

 

ENSEIGNEMENT 5: Un impact carbone de l’isolation faible, mais induisant des surcoûts importants

Une action de renforcement du bâti ajoute tout naturellement de la matière ayant pour conséquence d’alourdir le poids du contributeur Produit de Construction et Équipements. Néanmoins, on constate que cet impact reste marginal et que le contributeur énergie diminue très fortement en raison d’un bâti renforcé et des déperditions réduites, permettant de réduire ainsi nettement l’impact en carbone global du projet.
Par exemple, sur une maison R+combles de 122 m² située en zone H1a et équipée d’une chaudière à condensation et d’un chauffe-eau thermodynamique hybride, un renforcement du Bbio de 40 % alourdit le poids carbone du contributeur PCE de 5 % mais permet de réduire le poids du contributeur Energie de 35% pour au global atteindre une économie de 13% de l’impact carbone.

Néanmoins, le renforcement du bâti a un coût !

Sur la même maison, un renforcement du Bbio de 20 % par l’isolation permet de réduire le poids du carbone global du projet de 6.5 %, pour un surcoût de 14€/m2 versus 80 €/m2 pour un renforcement de 40 % du Bbio, et de 13% du carbone global.

 

Ainsi, le doublement de la réduction de l’impact carbone du projet aura conduit à multiplier par 6 le sur-investissement dans l’isolation.

 

ENSEIGNEMENT 6: Une sensibilité de l’impact carbone importante sur le lot VRD

Le contributeur PCE est décomposé en 13 lots dont le lot VRD3 , auxquels s’ajoute le lot relatif à l’impact des fluides frigorigènes.

 

 

S’il est prévu dans le permis de construire un aménagement de la parcelle (clôture, chemin d’accès, muret, etc), le poids carbone du lot 1 va connaitre une augmentation importante.

Illustration :
Pour une maison de plain-pied située en zone H1a de 92m² de SHAB, niveau E1, la pose d’une clôture couplée à un grillage alourdit le poids carbone de 80kg éqCO2/m²SdP(soit + 13% sur le contributeur PCE). Il en va de même pour l’intégration d’un chemin d’accès en pierre de 10 x 3 mètres : + 27kg éqCO2/m²SdP.(soit + 4% sur le contributeur PCE).

 

Le cumul d’une fosse septique, d’une clôture et d’un chemin d’accès peuvent alourdir l’impact carbone du projet de 40 % sur le contributeur PCE, et de 18% sur les émissions globales de maison.

 

ENSEIGNEMENT 7: Pas d’optimisation possible pour l’instant sur les lots 8 à 12

Dans l’attente des fiches relatives aux données environnementales des équipements, les pouvoirs publics mettent à disposition des valeurs forfaitaires pour les lots 8 à 12 (cf tableau ci-dessous).

 

 

Il n’est donc pas possible, pour le moment, de comparer les performances environnementales (hors consommations d’énergie en phase d’utilisation) d’une chaudière à condensation à celles d’une pompe à chaleur, exception faite de la prise en compte des fluides frigorigènes. Les industriels travaillent actuellement à l’élaboration des fiches.

 

LES PROCHAINES ETAPES

L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie), par l’intermédiaire du programme OBEC (Objectif Bâtiment Énergie Carbone), a délégué à treize bureaux d’études « référents » (1 par région), l’animation autour de l’expérimentation des Bâtiments à Énergie positive & Réduction Carbone. En parallèle, les directions régionales de l’ADEME ont lancé des appels à projets pour accompagner financièrement et techniquement la réalisation des études E+C-. Enfin, des modules de formation autour du référentiel E+C- vont être proposés par les organisations professionnelles à la filière.
Tous ces dispositifs concourent à encourager l’ensemble des acteurs du bâtiment à participer à l’expérimentation jusqu’au déversement dans l’observatoire des projets étudiés car la réglementation de demain se construit aujourd’hui !

Par ailleurs, la base de données INIES4  qui recense l’ensemble des données environnementales des matériaux et des équipements utilisables dans le référentiel E+C- va s’enrichir progressivement des données des industriels, ce qui permettra d’affiner les calculs et par conséquent de faire évoluer les positionnements des solutions sur le volet carbone. En particulier, les lots 8 à 12 pour lesquels des valeurs forfaitaires sont utilisées actuellement et qui ont un poids majeur dans l’impact carbone global des bâtiments, seront les plus impactés par l’évolution de la base.

 

 
 

 

 

 

 

Le 7 septembre 2017, la première maison gaz naturel atteignant les exigences du label a été inaugurée en Sarthe !

 

Cette maison Énergie 2 - Carbone 1, dotée d’une solution associant une chaudière à condensation et un kit photovoltaïque, est le fruit d’un partenariat durable entre le constructeur Barbaray Bourgine Constructions et GRDF.

 

 

Pour aller plus loin:

Vers la future réglementation environnementale
Label Energie Carbone E+/C-

 


1 Le Bbio correspond au besoin bioclimatique. Le coefficient Bbio sert à évaluer l'efficacité énergétique d'une construction.
2 Les enseignements sur les positionnements en carbone des projets sont susceptibles d’évoluer au fur et à mesure de l’enrichissement de la base de données environnementale au fil du temps.
3 Voirie et Réseau Divers
4 INIES est la base nationale de référence sur les caractéristiques environnementales et sanitaires pour le bâtiment