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03.03.2024 - 20H42

Moulinot : une filière de valorisation des biodéchets mature et des emplois qualifiés !

Moulinot, c’est l’aventure passionnante d’un pionnier de la valorisation des biodéchets. Rencontre avec Stéphan Martinez, restaurateur parisien qui a créé de toutes pièces une filière de collecte et de valorisation par la méthanisation agricole, des déchets alimentaires de la restauration et des collectivités.

Vous étiez restaurateur à Paris. Comment est née l’idée de composter puis de méthaniser les biodéchets ? 

Dans la restauration, on a toujours travaillé les restes, pour faire des jus, des fonds de sauces, etc. De tous temps, les épluchures, le marc de café, le pain ont été récupérés, pour nourrir les animaux ou retourner à la terre. Ne pas gaspiller la ressource, trier les déchets est dans notre ADN.

Avec mon frère, nous sommes la troisième génération de restauratrices/restaurateurs. Lorsque j’ai réalisé que cette matière organique que nous confions aux collecteurs de déchets était le plus souvent enfouie, j’ai d’abord eu l’idée de développer le lombricompostage. En 2006, j’ai acheté 10 kg de vers de terre et créé la Moulibox, petite boîte métallique de compostage que j’ai utilisée comme élément de sensibilisation, dans les écoles, auprès des confrères restaurateurs, de nos clients – et bien sûr dans notre propre cuisine. 

En 2013, je suis passé à la vitesse supérieure, avec le soutien du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration. J’ai eu l’opportunité de monter une expérimentation, destinée à démontrer la faisabilité de la collecte et de la valorisation des biodéchets auprès des métiers de bouche. Nous avions le projet de collecter 220 tonnes auprès de 80 professionnels du centre de Paris ; nous en avons en réalité récupéré 580 tonnes, avec moins de 2 % d’erreur de tri. 

Comment êtes-vous devenu un collecteur de biodéchets à grande échelle ? 

Convaincu par ce succès et pour aller au bout de cette intuition, j’ai créé Moulinot en 2014. Nous avons approché les grands comptes de la restauration, qui étaient les premiers concernés par l’obligation de tri des déchets à la source.

Puis nous avons bénéficié d’un formidable coup de projecteur lors de la COP 21, où Moulinot a collecté plus de 20 tonnes de biodéchets et – en parallèle – réalisé 7 tonnes de dons alimentaires. Nous avons monté la première plateforme de compostage avec la Semardel, et cette matière première secondaire a été distribuée dans les jardineries et autres coopératives bio. Les retours étaient très positifs : le compost était de très belle qualité. C’est alors que j’ai rencontré des agriculteurs-méthaniseurs, avec qui nous avons bien discuté.

Je trouvais intéressant de jumeler les mondes agricoles et urbains. Nous avons décidé de travailler ensemble en prenant l’engagement de fournir une matière avec 0,3 % maximum de déchets inertes dans les intrants. 

Quelle organisation avez-vous mis en place ?

Notre métier, c’est de capter des gisements de déchets pour les valoriser, en intégrant une dimension sociale. Notre vision, c’est que nous devons contribuer à l’insertion en formant nos personnels à qui nous confions des emplois pérennes.

Nous avons créé une première plateforme à Stains, à l’est de Paris, en 2017, pour massifier et trier les déchets de restauration. À la veille de la crise du Covid, 44 tonnes partaient chaque semaine vers nos partenaires méthaniseurs. D’un jour à l’autre, tout s’est arrêté, à l’exception des hôpitaux de l’AP-HP, de l’Élysée et d’un quartier de Viroflay (Yvelines) où l’on collectait pour le Sictom. Un électrochoc. J’ai réalisé que l’obligation de tri à la source s’imposerait à tous en 2024. Un nouveau marché pour nous, si nous arrivions à convaincre les collectivités de notre savoir-faire et de notre maîtrise de la chaîne de l’amont à l’aval. 

Que représente Moulinot aujourd’hui ? 

Une deuxième plateforme a été créée à Réau-Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne). Elle dispose de deux lignes de tri. L’une est dédiée aux métiers de bouche et aux particuliers. La seconde – qui a demandé de l’innovation et de la R&D – permet de traiter les matières emballées issues de la casse alimentaire de la grande distribution et des plateformes logistiques. Un investissement indispensable pour continuer à apporter aux agriculteurs-méthaniseurs une matière de première qualité ! 

En dix ans, Moulinot a valorisé près de 60 000 tonnes de déchets alimentaires et notre quarantaine de camions – qui roulent au BioGNV – collectent chaque mois 1700 tonnes de déchets en Ile-de-France. Nous avons créé 110 emplois, et nos partenaires nous ont ouvert les portes à Bordeaux, à Angers (début 2024). Nous avons des objectifs ambitieux : traiter entre 8 et 10 % de la production nationale de biodéchets en 2028, avec 6 à 8 plateformes de massification et 500 salariés. 

En tant qu’entreprise de l’économie sociale et solidaire, nous sommes très engagés dans la sensibilisation et dans la formation. Nos chauffeurs bénéficient d’une formation qualifiante de 300 heures, qui les amène aussi dans les cuisines des restaurants, chez nos partenaires méthaniseurs, sur une plateforme de compostage. Ils sont capables d’expliquer aux citoyens pourquoi leur bac de tri est refusé. Ils sont fiers d’obtenir un diplôme, le premier pour nombre d’entre eux, et de faire un métier dont ils comprennent le sens. Ils ne collectent pas des ordures mais une matière première secondaire. Pour nous, collecteur de biodéchets, c’est un métier d’avenir.  

Nous avons également créé des postes d’éco-animateurs ambassadeurs de tri, pour accompagner la mise en place de la nouvelle réglementation, informer et sensibiliser les particuliers, qui devront se plier à ce nouveau geste au plus tard le 1er janvier 2024. 

Pourquoi avoir privilégié la voie de la méthanisation agricole ?  

Nous avons démarré par le compostage et c’est certainement une solution assez simple à mettre en œuvre par les collectivités, au travers des points d’apport volontaires. Mais je ne pense pas qu’elles atteindront l’objectif de réduire de 30 % l’incinération et l’enfouissement en focalisant sur le compostage. 

En outre, les règles du compostage n’autorisent pas l’intégration de matières protéinées ou carnées, ce qui est une contrainte forte pour les métiers de bouche et la restauration, et n’est pas satisfaisant pour les ménages. Car si la réglementation ne permet plus de mettre ces déchets carnés dans les ordures ménagères, que devra-t-on en faire ? Au contraire, la méthanisation agricole permet de valoriser l’ensemble des biodéchets. 

 

Produire une énergie renouvelable, en quoi est-ce important pour Moulinot ?   

Les déchets organiques ont un très bon pouvoir méthanogène. Pourquoi s’en priver ? Pour notre entreprise qui veut avoir un impact social positif, réconcilier les mondes urbains et ruraux, la production d’énergie par des agriculteurs à partir de déchets des villes est un choix cohérent. En plus de la production de biométhane, la matière organique que nous fournissons permet de produire un digestat qui se substitue aux fertilisants chimiques pour une agriculture plus durable. C’est un amendement de qualité pour les sols agricoles, garanti par notre charte d’engagement. Ensemble avec nos partenaires agriculteurs-méthaniseurs, nous essayons de faire bouger les lignes. J’ai beaucoup de joie à imaginer que trois de nos partenaires ne labourent plus leurs sols depuis trois ans !

« Pour Moulinot, collecteur de biodéchets, c’est un métier d’avenir. »

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